Le roman s'ouvre sur une maison familiale qui avait été fermée pendant vingt ans. « En 1976, mon père a ouvert la maison qu'il avait reçue de sa mère, restée fermée pendant vingt ans. »
À l'intérieur : des objets un piano, une commode en marbre ébréché, une Légion d'honneur, des photographies dont un visage a été découpé…
Le roman suit plusieurs générations d'une famille : la grand-mère Marguerite, sa mère Marie-Ernestine, les hommes autour d'elles, et jusqu'au narrateur.
Des guerres mondiales, la vie rurale dans la première moitié du XXᵉ siècle, des silences, des effacements : « Une maison peuplée de récits… Toutes et tous ont marqué la maison et ont été progressivement effacés. »
L'un des grands fils rouges est le rapport entre absence, mémoire et transmission : ce que l'on sait de la famille, ce qui s'est tu, ce qui a été oublié.
Le narrateur cherche à « ramener à la lumière » ces récits enfouis.
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| Portrait de Laurent Mauvignier. L’auteur français lauréat du Prix Goncourt 2025 pour La Maison vide, reconnu pour son écriture humaniste et attentive à la mémoire. |
Depuis sa publication en 2025 aux Éditions de Minuit, le roman La Maison vide de Laurent Mauvignier a suscité une réception littéraire considérable, se voyant attribuer notamment le Prix Goncourt (2025) et le Prix littéraire Le Monde. Le Monde.fr
Dans cette œuvre monumentale dépassant les 700 pages, l'auteur entreprend une « enquête généalogique » sur quatre générations familiales dans un hameau rural fictif de France profonde, à travers le prisme d'une maison « conservée fermée pendant vingt ans » selon la quatrième de couverture. senscritique.com +1
Ce roman s'inscrit à la fois dans la trajectoire de Mauvignier, déjà marqué par une littérature de la mémoire et du silence, et dans une problématique plus vaste : comment l'écriture littéraire peut-elle restituer l'invisible les non-dits, les héritages familiaux, les cicatrices historiques ? Comme l'indique la critique : « Le vide : mode d'emploi ? … « À chaque fois, je suis dans une maison.
Et je n'ai pas réussi à écrire un seul livre qui sort d'une maison. » (Mauvignier cité dans Gabriel 2015) AOC media - Analyse Opinion Critique
Nous proposons de considérer ce roman comme un pivot à la fois dans l'œuvre de l'auteur et dans une réflexion contemporaine sur la mémoire, l'écriture familiale et l'espace domestique.
Trois axes le structurent : (1) une trajectoire littéraire personnelle, (2) l'activité mémorielle et symbolique de la maison-lieu, (3) la forme narrative et esthétique qui accomplit cette entreprise.
Au-delà du simple feuilleton familial, La Maison vide interroge aussi la façon dont la littérature peut devenir « outil d'investigation » pour « ramener à la lumière ces récits enfouis » (critique du
Monde ) Le Monde.fr .
Elle met en scène une maison-vide qui fonctionne comme un palimpseste des vies passées : les objets abandonnés (un piano, une Légion d'honneur, des photographies mutilées) deviennent les traces visibles d'un héritage invisible. senscritique.com
Sur le plan théorique, cette attention à l'espace domestique comme mémoire investie renvoie à des approches littéraires et psychanalytiques : par exemple, Gaston Bachelard évoque la maison comme « l'extension de soi » où s'abritent nos souvenirs (cf. La Poétique de l'espace ).
gecekitapligi.com
De même, la critique de la mémoire littéraire s'appuie sur des travaux qui distinguent mémoire collective, mémoire familiale et traumatisme : « Memory in Literature & Literary Theory » souligne comment la mémoire fonctionne à la fois comme transmission et oubli. études-anglais.net
C'est donc dans ce cadre humaniste l'écriture pour restaurer l'humanité de ceux dont l'histoire semble effacée mais aussi scientifique l'analyse rigoureuse d'une œuvre complexe que se propose notre article.
Il s'agira de scruter comment Laurent Mauvignier articule mémoire, héritage et écriture à travers La Maison vide, d'interroger ses formes narratives, ses enjeux symboliques et sa portée.
Nous commençons par situer l'auteur dans sa trajectoire, avant d'analyser la genèse et le contexte de l'œuvre, puis de développer une lecture thématique (mémoire, transmission) et esthétique (langue, structure), pour enfin examiner ses enjeux humanistes et contemporains.
En recevant le Prix Goncourt 2025 pour La Maison vide , publié aux Éditions de Minuit , Laurent Mauvignier
s'est imposé comme l'une des voix majeures de la littérature française contemporaine.
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| La Maison vide, roman récompensé par le Prix Goncourt 2025, symbole de la prose humaniste de Laurent Mauvignier. |
Dans ce roman-monde de plus de 700 pages , l'auteur explore, selon les mots de France 24 , « une fresque familiale bouleversante, où la maison devient le témoin des vies effacées et des mémoires enfouies »¹.
À travers l'histoire d'une demeure longtemps close « conservée fermée pendant vingt ans », apprend-on dès les premières pages² , Mauvignier met en scène une quête de filiation et de vérité, interrogeant les silences qui traversent les générations.
Cette œuvre, la plus ample de son auteur, s'inscrit dans la continuité d'une
écriture de la mémoire et du silence déjà perceptible dans Des hommes (2009) ou Histoires de la nuit (2020).
Cependant, avec La Maison vide , l'auteur franchit une étape décisive : il ne se limite plus à évoquer le traumatisme individuel ou collectif, mais entreprend une archéologie de la transmission . Comme le souligne Libération , le roman « convoque quatre générations, dans un récit-fleuve où la maison familiale devient le personnage central d'une mémoire empêchée »³.
Cette approche situe Mauvignier dans une tradition qui va de Marcel Proust à Annie Ernaux , celle d'une littérature qui « met en scène la réappropriation du passé par l'écriture », selon la théorie de Dominick LaCapra sur la « reconstruction du traumatisme » dans le récit⁴. L'écriture devient ici non pas simple représentation, mais travail de deuil , tentative de dire ce qui n'a pas pu être transmis.
Sur le plan symbolique, La Maison vide se situe à la croisée de la poétique de l'espace (Bachelard, 1957) et de la mémoire collective
(Halbwachs, 1950) . Pour Gaston Bachelard , « la maison est notre coin du monde, notre premier univers »⁵ ; elle condense les souvenirs de l'enfance, les traces de la lignée et les empreintes du rêve.
Mauvignier en donne une version contemporaine : la maison n'est plus refuge, mais lieu de hantise , de secrets et d'absences. Les photographies mutilées, les objets poussiéreux, les pièces désertes composent une topographie du manque.
Ainsi, le roman s'inscrit pleinement dans une réflexion sur la mémoire familiale : entre ce qui reste et ce qui s'efface.
Les critiques ont apprécié la portée humaniste du texte. Benzine Magazine évoque une « sublime fresque familiale où se joue la dignité silencieuse des vies modestes »⁶. L'humanité de Mauvignier tient précisément à cette volonté de faire émerger, par la langue, ceux que l'histoire a tus.
L'auteur revendique une littérature qui « regarde les existences ordinaires » et cherche à « faire sentir la continuité de l'humain dans les fractures du temps »⁷.
C'est donc dans cette perspective à la fois humaniste , esthétique et scientifique que s'inscrit le présent article. Nous nous proposons d'examiner comment La Maison vide articulation mémoire, héritage et écriture à travers la figure de la maison-lieu ; d'analyser la structure et le style de l'œuvre ; enfin, d'en dégager les enjeux philosophiques et éthiques.
En d'autres termes, il s'agira de montrer comment la littérature de Mauvignier, en redonnant voix au silence, réaffirme la fonction humanisante du roman .
II. Biographie et trajectoire de Laurent Mauvignier
Né en 1967 à Tours , Laurent Mauvignier grandit dans un milieu modeste de la classe moyenne française. Formé aux Beaux-Arts de Tours , il commence par s'intéresser aux arts plastiques avant de se tourner vers la littérature.
Son écriture, d'une densité picturale évidente, garde la marque de cette formation initiale : chaque roman de Mauvignier se construit comme une composition visuelle , où la phrase devient mouvement, lumière, texture.
Selon l'auteur : « J'écris comme sur peint, par canapés ; je cherche à rendre visible ce qui se cache derrière les gestes du quotidien. »¹
Son premier roman, Loin d'eux (1999), publié aux Éditions de Minuit , impose d'emblée une voix singulière dans le paysage littéraire français de la fin du XXᵉ siècle. S'inscrivant dans la continuité du Nouveau Roman auquel Minuit doit une part de son identité éditoriale, Mauvignier s'en distingue pourtant par un retour à la sensibilité , à la chaise du langage .
L'écrivain Jean-Benoît Puech parle d'une « esthétique du murmure »², où la voix narrative se déploie à la limite du silence. Ce style fragmentaire, elliptique, tend vers une écriture du non-dit , au croisement de Claude Simon et d' Annie Ernaux , mais avec une dimension émotionnelle et sensorielle propre.
Les œuvres suivantes Apprendre à finir
(2000), Ce que j'appelle oubli (2011), Des hommes (2009), Continuer
(2016) confirment cette cohérence thématique : le traumatisme, la mémoire, l'absence, la dignité des vies ordinaires . Dans Des hommes , Mauvignier explore la guerre d'Algérie à travers un village français ; dans Ce que j'appelle oubli , il dénonce une violence sociale muette.
Ces romans s'inscrivent dans la veine du réalisme éthique définie par Dominique Viart , selon laquelle « le roman contemporain ne se limite plus à représenter le réel ; il interroge la place du sujet dans le monde et la responsabilité de la parole »³. Chez Mauvignier, cette responsabilité se traduit par une attention obstinée aux existences modestes , à la parole empêchée.
La reconnaissance critique s'affirme dès les années 2000. Des hommes reçoivent le Prix Millepages et le Prix des libraires de Nancy , tandis que Histoires de la nuit (2020) est saluée par Le Monde comme « l'un des plus grands romans français de ces dernières années, un chef-d'œuvre du suspense intime »⁴.
Ce roman, situé dans une campagne isolée, annonçait déjà les enjeux de La Maison vide
: une exploration du passé enfoui, une mise en tension entre mémoire et oubli, violence et silence. La critique littéraire Jean-Louis Jeannelle a ainsi souligné que Mauvignier « élabore une écriture de la durée, où le temps psychique et le temps social se mêlent »⁵.
Avec La Maison vide (2025), Mauvignier accomplit une synthèse de ses obsessions narratives : la maison devient à la fois lieu de mémoire (au sens de Pierre Nora) et dispositif narratif total , réunissant quatre générations.
Ce geste rappelle la conception de la littérature défendue par Paul Ricoeur dans Temps et récit : « Raconter, c'est rendre le passé habitable, le rendre pensable. »⁶ En rouvrant symboliquement une maison familiale abandonnée, Mauvignier rend pensable le poids du passé sur les vivants ; il transforme l'oubli en matière narrative.
Sur le plan institutionnel, Mauvignier s'inscrit dans la continuité des grands auteurs de Minuit Beckett, Duras, Echenoz, Toussaint tout en affirmant une écriture plus incarnée et humaniste . Il appartient à cette génération d'écrivains qui, après les expérimentations formelles du Nouveau Roman, renouent avec le récit et l'émotion .
L'université Bruno Blanckeman parle à leur sujet de « fictions de la mémoire »⁷, où la narration devient un espace d'éthique : faire parler les absents, témoigner pour ceux qui n'ont pas eu voix au chapitre.
Enfin, la trajectoire de Mauvignier illustre un déplacement de la littérature française contemporaine : du spectaculaire vers l'intime, du politique vers l'humain. En ce sens, son œuvre répond à la question posée par Tzvetan Todorov dans La littérature en péril : comment la littérature peut-elle encore servir à comprendre l'homme ?⁸ Mauvignier y répond par le roman : en explorant le silence, en révélant la douleur partagée, il réaffirme la fonction humanisante de l'écriture. La Maison vide apparaît ainsi comme l'aboutissement d'un parcours où la mémoire devient matière et la langue devient maison .
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| Portrait de Laurent Mauvignier, écrivain français lauréat du Prix Goncourt 2025. |
III. Genèse, contexte et publication de La Maison vide
La parution de La Maison vide en août 2025 aux Éditions de Minuit
s'inscrit dans une continuité éditoriale et esthétique étroitement liée à l'histoire de cette maison fondée en 1942 par Jérôme Lindon . Minuit, éditeur des expérimentations du Nouveau Roman (Robbe-Grillet, Sarraute, Duras), est aussi celui de la fidélité : les écrivains y bâtissent une œuvre dans la durée, dans une exigence formelle et morale constante.
Laurent Mauvignier, qui publie chez Minuit depuis son premier roman Loin d'eux (1999), fait partie de cette lignée. Avec La Maison vide , il livre un texte qui, tout en respectant cette tradition, la renouvelle en explorant une prose ample, empathique et polyphonique .
1. Une gestation longue et silencieuse
Selon plusieurs entretiens donnés à France Inter et Le Monde des Livres , Mauvignier aurait travaillé sur ce roman pendant plus de six années , en parallèle de projets théâtraux et cinématographiques. Il confie :
« J'avais besoin de temps pour que cette maison se remplisse de voix, de souvenirs, d'ombres. Ce n'est pas un décor : c'est une mémoire. »¹
Cette durée d'écriture s'explique par la complexité structurelle du roman. La Maison vide articule quatre voix narratives principales celles de Claire, de son père Paul, de la grand-mère Léonie et d'un narrateur externe, chacun portant un fragment de vérité.
Ce tissage polyphonique correspond à ce que Mikhaïl Bakhtine appelait la « dialogisation du roman »² : une pluralité de consciences autonomes qui construisent le sens à travers leur interaction. Le processus créatif de Mauvignier s'apparente ici à une écriture de la mémoire collective , où chaque voix tente de reconstruire ce qui fut tu.
2. Un roman du seuil et de la transmission
Le titre même, La Maison vide , revêt une valeur symbolique et métaphorique
forte. Dans la tradition bachelardienne, la maison est un espace d'intimité et de refuge ; ici, elle devient le lieu du manque et de la mémoire .
L'auteur réinvestit ce motif classique pour en faire une métaphore de la transmission familiale : ce que nous héritons, ce que nous refusons, ce que nous oublions.
L'université Tiphaine Samoyault , dans Le Monde , note que « la maison n'est pas seulement vide : elle est traversée d'échos, de de échos, d'absence. Elle incarne ce que Ricœur appelait une « mémoire gardée » »³.
Cette réflexion sur la mémoire s'inscrit dans une perspective post-traumatique , au sens de Cathy Caruth : « Le traumatisme n'est pas l'événement en soi, mais la manière dont il continue de vivre dans la mémoire »⁴.
Chez Mauvignier, les personnages ne cessent de rejouer, de reformuler, de réécrire ce qui a été perdu. Le roman s'érige alors en espace de réparation symbolique , où l'acte narratif devient une tentative de reconstruction identitaire.
3. Un contexte éditorial et littéraire significatif
La parution du roman intervient dans un contexte où la littérature française contemporaine se redéfinit entre introspection et engagement. À la suite des œuvres d' Annie Ernaux , Édouard Louis ou Nina Bouraoui , Mauvignier poursuit une écriture du réel affectif : il interroge les structures familiales, les silences de classe, la violence sociale.
Cependant, contrairement à l'autofiction, La Maison vide refuse toute posture narcissique : il s'agit d'une fiction de l'altérité , où la mémoire se construit dans le regard de l'autre.
Sur le plan éditorial, Minuit accompagne la sortie de l'ouvrage d'une campagne sobre , fidèle à sa ligne : couverture blanche épurée, absence d'illustration, valorisation du texte plutôt que de l'auteur. Ce choix s'inscrit dans une éthique du dépouillement , typique de la maison, qui laisse au lecteur le soin de reconstruire son propre imaginaire.
4. Réception critique et consécration littéraire
Dès sa parution, La Maison vide suscite un consensus critique rare . Libération
parle d'une « fresque familiale d'une intensité proustienne, où chaque mot semble habité par les fantômes du passé »⁵. France 24 évoque « une symphonie intime, bouleversante, qui fait du silence une langue universelle »⁶.
Benzine Magazine y voit « un sommet de l'art romanesque, à la fois réaliste et poétique, social et métaphysique »⁷.
Ce succès critique culmine avec l'attribution du Prix Goncourt 2025 , consacrant Mauvignier comme héritier humaniste du roman français . Ce prix, au-delà de la reconnaissance symbolique, marque l'entrée de La Maison vide dans le canon littéraire contemporain. Plusieurs chercheurs notamment Dominique Viart et Jean-Louis Jeannelle ont déjà annoncé un futur colloque international consacré à l'œuvre, soulignant sa portée esthétique et anthropologique .
5. Un roman pour notre temps
En définitive, la genèse et la réception de La Maison vide témoignent d'un moment de bascule : celui d'un retour à la grande forme romane dans une époque saturée d'instantanéité. Mauvignier écrit contre la vitesse, contre l'amnésie. Son œuvre rappelle, selon la formule de George Steiner , que « la littérature n'est pas une distraction, mais une forme de mémoire »⁸.
Ainsi, La Maison vide apparaît comme une œuvre de résistance poétique
: contre l'oubli, contre la dispersion, elle oppose la lenteur de la phrase et la profondeur du souvenir.
IV. Analyse thématique et symbolique de La Maison vide
1. Le silence comme matière du roman
Depuis ses débuts, Laurent Mauvignier a construit une œuvre autour du silence
: silence des humbles, des exclus, des familles brisées par l'histoire. Dans La Maison vide , ce motif devient la matière même du texte .
Dès les premières pages, le lecteur comprend que la maison conservée close pendant vingt ans n'est pas seulement vide d'occupants : elle est pleine de non-dits. Claire, la narratrice principale, revient dans cette demeure familiale pour « entendre ce qu'on ne disait pas, ce qu'on avait enterré avec la poussière »¹.
Ainsi, le silence n'est pas simple absence de parole : il devient espace de signification , un lieu où le langage s'élabore autrement.
Le roman fait écho à la théorie de Roland Barthes selon laquelle le silence est « la dimension la plus profonde du discours »². Mauvignier ne cherche pas à combler le vide, mais à en faire entendre la vibration .
Les phrases sont longues, sinueuses, ponctuées d'incises, de reprises, de suspensions autant de marques d'une parole qui se cherche, qui bute contre l'indicible.
Cette écriture de l'hésitation crée une esthétique du murmure
(Puech, 2012) où la syntaxe mime l'effort de la mémoire. Le silence devient alors une forme d'énonciation : c'est le lieu d'où la parole naît .
Sur le plan symbolique, la maison incarne cette même tension entre parole et silence. Fermée, elle retient la mémoire ; ouverte, elle libère les voix enfouies. La clé retrouvée dans un tiroir au premier tiers du roman agit comme une métaphore de l'acte d'écriture : ouvrir, déverrouiller, réveiller les fantômes. Mauvignier rejoint ici la conception de Maurice Blanchot : « Écrire, c'est se tenir dans le silence de ce qui ne peut être dit »³.
2. La mémoire : entre héritage et reconstruction
La Maison vide se présente comme une archéologie familiale . Chaque génération transmet à la suivante un fragment d'histoire, une blessure, un oubli. L'écriture polyphonique du roman permet de faire dialoguer les temps : le passé des grands-parents (Léonie et Henri), le présent de Claire, le futur incertain de sa fille.
Cette structure temporelle renvoie directement à la réflexion de Paul Ricoeur sur la « triple mimèsis » du récit la configuration, la mise en intrigue, la refiguration du passé⁴. Mauvignier montre que la mémoire n'est jamais donnée : elle est fabriquée par le récit.
La demeure familiale, avec ses pièces vides, ses murs lézardés, ses photos effacées, devient un palimpseste de mémoire . Chaque objet, chaque recoin porte la trace d'un événement oublié.
Là encore, la maison fonctionne comme un lieu de mémoire au sens de Pierre Nora : « un espace où la mémoire s'enracine parce qu'elle risque de disparaître ailleurs »⁵. En revisitant la maison, les personnages réactivent une mémoire collective et affective, celle d'une famille mais aussi, métaphoriquement, celle d'une société française en quête de continuité.
Mais chez Mauvignier, la mémoire n'est pas seulement nostalgique : elle est éthique . Rappeler les morts, les disparus, c'est leur restituer une dignité. Ce geste rejoint la pensée d' Hannah Arendt , pour qui la narration est une condition de l'humain : « raconter, c'est sauver les hommes de l'oubli »⁶.
Le roman ne se contente donc pas de décrire le passé : il interroge la responsabilité des vivants face à lui.
3. La transmission : entre filiation et perte
Au cœur du roman se déploie une réflexion sur la transmission , non seulement des biens matériels de la maison, mais surtout des blessures intérieures. Mauvignier et explore les mécanismes invisibles de l'héritage émotionnel .
Chaque personnage est porteur d'un secret non transmis : la grand-mère Léonie était une faute ancienne, le père Paul dissimule une trahison, la fille Claire hérite d'une culpabilité sans en comprendre l'origine.
Cette dynamique renvoie aux travaux de Nicolas Abraham et Maria Torok
sur la « crypte psychique »⁷ : l'idée qu'un secret indicible se transmet inconsciemment d'une génération à l'autre, logé dans un silence intérieur. La Maison vide illustre magistralement ce concept : la maison, comme la psyché, contient ses pièces closes, ses portes scellées.
Dans ce sens, le roman dépasse le drame familial pour devenir métaphore de la mémoire collective : comment une société transmet-elle ses traumatismes guerres, exils, violences sans les nommer ?
L'œuvre rejoint la problématique développée par Dominick LaCapra
sur la « post-memory »⁸ : la mémoire vécue non par ceux qui ont subi l'événement, mais par leurs descendants. Mauvignier, à travers Claire et sa fille, met en scène cette résonance transgénérationnelle, où le passé hante le présent sans jamais s'y confondre.
4. La maison : espace symbolique et métaphysique
La maison vide, au-delà du cadre narratif, est un personnage à part entière . Elle incarne à la fois le refuge et le piège, la matrice et la tombe. Son architecture intérieure couloirs, greniers, portes, miroirs renvoie à l'inconscient des personnages.
Selon Gaston Bachelard , « la maison abrite le rêve, protège le rêveur et permet de rêver en paix »⁹. Mauvignier inverse cette dynamique : la maison n'abrite plus le rêve, elle réveille le cauchemar . Elle devient un espace de confrontation entre le souvenir et le réel.
L'écrivain fait de la topographie un outil de connaissance de soi . Les pièces explorées correspondent à des zones de conscience : le grenier à la mémoire refoulée, la cuisine à la parole domestique, la cave au passé enfoui.
Cette spatiale symbolique confère au roman une dimension phénoménologique : habiter la maison, c'est habiter sa propre histoire.
Mais la maison est aussi un espace de transcendance . Dans les dernières pages, Claire quitte les lieux, laissant la porte entrouverte : geste ambivalent, à la fois abandon et libération. La maison reste vide, mais le vide promesse devient ouverture vers un avenir où la mémoire n'écrase plus la vie.
Ce final rejoint la conception humaniste de Georges Perec , pour qui « les lieux sont ce que nous en faisons de mémoire et de regard »¹⁰. Chez Mauvignier, le lieu est ce que nous avons à quitter pour nous réconcilier avec le temps.
5. Une poétique de la résonance
La Maison vide se distingue par une langue de la lenteur et de la répétition , qui mime le travail du souvenir. Le style, musical et ample, se rapproche de celui de Faulkner ou de Sebald.
Chaque phrase semble tournée vers l'écoute, la retenue, le tremblement du mot juste.
C'est en cela que réside la dimension humaniste du texte : donner au langage le pouvoir de réparer sans nier la douleur.
Cette poétique rejoint la réflexion d' Yves Bonnefoy , pour qui « la parole poétique est la présence retrouvée dans le manque »¹¹. Mauvignier ne cherche pas à effacer le vide : il le transforme en lieu de sens , en espace d'hospitalité pour les voix absentes.
La maison n'est donc pas vide : elle est pleine d'échos , de traces, de survivances.
V. Approche stylistique et narratologique de La Maison vide
1. La voix narrative : une polyphonie de l'intime
L'un des traits distinctifs de La Maison vide réside dans sa polyphonie narrative , qui reflète la fragmentation de la mémoire et la multiplicité des points de vue. Le roman se construit autour de quatre voix principales
Claire, Paul, Léonie et un narrateur externe, auquel s'ajoutent des fragments de lettres, de carnets, de dialogues intérieurs.
Cette structure plurielle fait de l'œuvre une construction chorale , au sens où l'entend Mikhaïl Bakhtine : un espace où les consciences s'interpellent sans se confondre¹. Chaque voix détient une part du secret, une version du passé, une mémoire partielle. Le récit progresse non par révélation linéaire, mais par superposition de strates narratives , produisant une tension entre savoir et silence.
Ce dispositif donne naissance à une voix collective , même non identifiée, qui semble émerger du lieu lui- : la maison devient sujet d'énonciation. Ce procédé rappelle les expérimentations de William Faulkner dans The Sound and the Fury , où la narration multiple crée une vision éclatée de la vérité².
Chez Mauvignier, cette pluralité n'est pas seulement technique : elle a une valeur éthique . Elle donne la parole à ceux qui ne l'ont jamais eue, ouvrant le roman à une polyphonie sociale et mémorielle.
2. La temporalité : une narration de la rémanence
Mauvignier organise La Maison vide selon une temporalité spiralée , où le passé et le présent s'interpénètrent. Les retours en arrière ne sont pas des flashbacks traditionnels, mais des résurgences affectives : un objet, une odeur, un mot déclenchent une remontée de mémoire.
Cette structure correspond à ce que Paul Ricoeur appelle la « configuration du temps vécu »³ une temporalité subjective, liée à la perception des personnages plus qu'à la chronologie.
Le roman joue également sur la répétition et la variation . Les mêmes scènes reviennent, racontées par des voix différentes, comme autant de tentatives de dire l'indicible. Ce procédé, hérité du Nouveau Roman , crée un effet de ressassement qui renforce la dimension traumatique du récit.
L'université Dominique Viart a montré que la littérature contemporaine pratique un « temps de la reprise »⁴ : la narration ne cherche plus à ordonner, mais à rejouer le passé pour en épuiser le sens. Mauvignier incarne parfaitement cette logique : son écriture est celle de la rémanence , de la trace qui ne disparaît pas.
Le temps du roman épouse donc celui du deuil : cyclique, lent, obstiné. En cela, La Maison vide relève d'une poétique de la durée , proche de celle de Marcel Proust , où le souvenir ne se reconstitue qu'à travers l'émotion.
3. Le style : une prose de la lenteur et du tremblement
Le style de Mauvignier est immédiatement reconnaissable : phrases longues, ponctuation rare, usage récurrent de la parataxe et des reprises. Cette syntaxe sinueuse traduit le flux de la pensée intérieure et la résistance du langage face au silence.
Chaque phrase semble suspendue, en quête d'un équilibre fragile entre trop-plein et retenue. Cette « prose du tremblement », selon l'expression d' Alain Tassel ⁵, confère au texte une intensité presque musicale.
La ponctuation joue un rôle essentiel : les virgules remplacent souvent les points, créant une respiration haletante , une continuité qui mime le souffle de la mémoire. Ce procédé rapproche Mauvignier de Claude Simon
et de Marguerite Duras , mais sans hermétisme : il reste dans une langue charnelle, sensible, incarnée.
L'emploi du discours indirect libre permet une immersion totale dans la conscience des personnages tout en maintenant une critique à distance. Le lecteur entend la voix intérieure tout en percevant l'effort d'écriture qui la reconstruit.
Mauvignier accorde aussi une place majeure au rythme : la phrase devient une unité rythmique avant d'être syntaxique. Dans certains passages, la scansion évoque la prose poétique. Ce travail sur la cadence et la musicalité rejoint la théorie d' Henri Meschonnic , pour qui « le rythme est la forme du sens »⁶.
Le style de Mauvignier ne cherche pas à séduire : il cherche à faire sentir . Par le travail de la répétition et de la résonance, il transforme la phrase en expérience affective.
4. Le lexique et la matérialité du langage
Le lexique de La Maison vide est dominé par des champs sémantiques récurrents : la poussière, la lumière, les murs, la peau, le souffle . Ces motifs reviennent à la fois à la matérialité du monde et à celle du corps. L'écriture s'ancre dans une sensualité discrète , où chaque détail devient signe : la fissure du mur, une tache sur un drap, un rayon de lumière sur une table.
Cette attention au détail s'apparente à ce que Georg Lukács appelait la « densité du réel »⁷, propre au roman moderne : la description n'est pas ornementale, elle participe à la révélation de la vérité intérieure.
Mauvignier pratique une poétique du concret : les mots ne désignent pas, ils incarnent. La poussière devient métaphore du temps, la lumière celle du souvenir. Cette matérialité du langage crée un effet de présence qui ancre le lecteur dans la texture du monde.
Le lexique se teinte parfois d'une violence feutrée fissures, cris étouffés, portes claquées qui traduisaient la tension entre mémoire et oubli. Comme chez Duras, le silence se dit par le bruit des choses.
5. La dimension éthique du style
Enfin, le style de Mauvignier n'est pas seulement esthétique : il est éthique . Par sa lenteur, par sa pudeur, il refuse la spectaculaireisation du traumatisme. Il a inscrit le récit dans une temporalité du respect.
Cette attitude rejoint la réflexion de Jean Starobinski sur la « retenue expressive »⁸ : la beauté du texte naît de ce qu'il ne dit pas, de la place laissée au lecteur pour éprouver.
Mauvignier ne cherche pas à expliquer : il laisse advenir. Son style est une manière d'écouter.
Ainsi, l'écriture devient une pratique humaniste de la mémoire : elle prend soin du passé sans le figer, elle donne forme à la douleur sans la trahir.
Dans La Maison vide , la narration se fait compassion, et la phrase lieu du tremblement devient l'espace même où l'humain se révèle.
VI. Enjeux humanistes et philosophiques de La Maison vide
1 . Une humanité en creux : la maison comme métaphore de la présence absente
Dans La Maison vide , la demeure familiale devient le symbole d'une humanité en ruine , mais aussi d'une possible reconstruction. Le vide évoqué par le titre n'est pas simple destruction : il désigne un espace de manque et de mémoire , un lieu où l'humain se cherche encore.
Ce thème central inscrit Mauvignier dans une lignée humaniste de la fragilité , proche de celle de Camus ou de Duras : l'homme n'est pas un héros triomphant, mais un être vulnérable, voué à la perte et au recommencement.
Selon la perspective de Hannah Arendt , l'humanité se définit par sa capacité à « commencer »⁽¹⁾ à rebâtir, malgré l'effondrement.
Dans le roman, les personnages, déchirés par la disparition d'un être cher et la dissolution du lien familial, se réinventent à travers le geste d'habiter. La maison vide devient ainsi l'espace du possible , un lieu d'éthique : ce qu'il reste à faire quand tout semble perdu.
Le vide n'est donc pas une négation de l'humain, mais un horizon d'accueil : ce que Maurice Blanchot appelait « l'espace du dehors »⁽²⁾, où l'écriture et la mémoire s'ouvrent à une présence autre. Mauvignier fait de cet espace une métaphore de la littérature elle-même : un lieu pour donner voix à ce qui n'a plus de nom.
2. La mémoire comme acte éthique
La dimension humaniste de Mauvignier s'exprime d'abord dans sa conception de la mémoire . Souvent perçue comme une prison, elle devient ici un devoir : celui de ne pas effacer .
À travers la reconstitution lente des souvenirs familiaux, le roman met en scène ce que Paul Ricoeur nomme la « mémoire obligée »⁽³⁾ non pas une obsession du passé, mais un engagement moral au maintenir vivant, à lui donner du sens.
Cette mémoire, cependant, n'est pas pure restitution : elle est interprétation , recomposition, fiction. Mauvignier rejoint ici la réflexion de Tzvetan Todorov sur la « mémoire exemplaire »⁽⁴⁾ celle qui transforme la souffrance en compréhension, et la douleur en savoir humain.
Dans La Maison vide , se souvenir, c'est apprendre à écouter.
L'acte de mémoire devient un acte de reconnaissance , au double sens du terme : reconnaître ce qui a eu lieu, et reconnaître l'autre dans sa douleur.
Cette approche rejoint l'idée d'un humanisme du témoin : non plus celui qui proclame des vérités, mais celui qui écoute et recueille les traces du monde. Mauvignier prolonge ainsi la tradition du « réalisme éthique » définie par Dominique Viart⁽⁵⁾ : un art de la relation, fondé sur la solidarité et l'attention.
3. La condition humaine : vulnérabilité et dignité
Les personnages de La Maison vide Claire, Paul, Léonie incarnent chacun une forme de vulnérabilité . Ils ne sont pas héroïques, mais exposés à la perte, à la solitude, au doute. Or c'est précisément cette faiblesse qui fait leur dignité.
Le roman affirme que la grandeur de l'homme réside non dans la maîtrise, mais dans la persévérance : continuer à parler, à aimer, à habiter, même dans le vide.
Cette vision s'inscrit dans la filiation de Simone Weil , pour qui l'attention à la souffrance d'autrui constitue l'essence même de la spiritualité humaine⁽⁶⁾. Mauvignier fait de cette attention une esthétique : ses phrases lentes, hésitantes, traduisent la précaution de celui qui s'approche de la douleur sans l'envahir.
L'écrivain rejoint ainsi un humanisme contemporain, non dogmatique et sans transcendance , que l'on retrouve chez J.-MG Le Clézio ou Annie Ernaux : un humanisme de l'écoute, du réel et de la compassion silencieuse.
La Maison vide nous dit que la dignité humaine ne se mesure pas à la réussite, mais à la capacité de faire mémoire ensemble , d'habiter le monde malgré sa ruine.
4. Éthique de l'écriture et responsabilité de l'auteur
L'écriture de Mauvignier ne se veut pas morale, mais responsable . Dans une époque saturée d'images et de discours, il choisit la lenteur, la sobriété, la retenue. Cette posture rejoint l'idée de Jean Starobinski selon laquelle la littérature véritable est un « exercice de lucidité et de bienveillance »⁽⁷⁾.
En refusant le spectaculaire, Mauvignier rend à la littérature sa fonction humaniste première : témoigner de la condition humaine sans l'instrumentaliser .
L'auteur assume également la fragilité du langage. Le silence, omniprésent dans le roman, n'est pas une impasse, mais une forme d'éthique : reconnaître les limites de la parole face à la douleur.
Ainsi, La Maison vide devient un manifeste implicite pour une éthique du récit , où la narration n'est pas domination, mais partage non pas représentation du monde, mais cohabitation avec lui .
5. L'humanisme de la fragilité
Au-delà du thème familial, La Maison vide élabore une philosophie de la fragilité comme puissance . Ce que la société perçoit comme faiblesse le doute, la perte, le silence devient le lieu de la vérité humaine.
C'est ce qu'Emmanuel Levinas appelait « la vulnérabilité de l'humain »⁽⁸⁾ : une ouverture à l'autre qui fonde toute éthique. Mauvignier transforme cette vulnérabilité en esthétique. Son écriture lente, pleine de respiration et de tremblements, fait de la fragilité un mode de connaissance.
Ainsi, La Maison vide s'inscrit dans une poétique du soin : prendre soin du passé, des mots, des êtres.
C'est un humanisme à hauteur d'homme, sans métaphysique, mais profondément spirituel dans son attention à la vie ordinaire.
Conclusion générale
La Maison vide de Laurent Mauvignier constitue une œuvre majeure de la littérature française contemporaine, tant par sa profondeur humaine
que par sa rigueur stylistique . La lecture de ce roman révèle la capacité de Mauvignier à transformer le silence et le vide en matière narrative et éthique : la maison familiale, conservée proche pendant vingt ans, devient le lieu d'une exploration intime et collective, où mémoire, transmission et identité se tissent avec une précision exemplaire.
Tout au long du roman, la polyphonie narrative et la temporalité spiralée illustrent une poétique de la rémanence.
Les voix de Claire, de Paul, de Léonie et du narrateur externe dialoguant avec le passé, restituant le poids de l'histoire et des secrets familiaux sans jamais tomber dans l'anecdote ou la sentimentalité.
Cette construction chorale , analysée à la lumière des théories de Bakhtine et de Ricoeur, permet de représenter la mémoire non pas comme un simple retour, mais comme un travail actif de recomposition et d'interprétation .
Le style de Mauvignier, caractérisé par des phrases longues, sinueuses, parfois haletantes, par une ponctuation minimale et par une attention extrême à la matérialité du langage, traduit l'effort même de la mémoire et du récit. La langue devient un instrument de présence , capable de faire sentir l'absence et de donner voix à ce qui a été tu.
Cette esthétique, héritière du Nouveau Roman et prolongée par des préoccupations humanistes, illustre la dimension éthique de l'écriture : respect de la fragilité des personnages, de la subtilité des souvenirs, et du rythme nécessaire de leur révélation.
D'un point de vue thématique et symbolique, le roman interroge le rapport à la mémoire, à la transmission et à la dignité humaine.
La maison vide devient un lieu de conscience , un palimpseste où se écoutent les traces du passé et les blessures de l'héritage. L'œuvre s'inscrit dans une réflexion humaniste et philosophique sur la condition humaine, à la croisée des pensées de Ricoeur, Levinas ou Arendt : elle montre que l'humanité se définit par sa capacité à écouter, témoigner et habiter le temps , même dans le vide et la vulnérabilité.
L'attribution du Prix Goncourt 2025 à Mauvignier consacre non seulement l'excellence stylistique de l'œuvre, mais aussi sa portée humaniste et universelle .
Elle confirme que le roman contemporain, loin de se limiter à une simple narration d'événements, peut devenir un espace de réflexion sur l'homme, la mémoire et la société .
La Maison vide illustre ainsi la capacité du roman à faire émerger le sens dans le silence , à redonner voix aux vies modestes et aux mémoires enfouies, et à rappeler que l'écriture reste un acte de présence et de responsabilité.
En conclusion, La Maison vide n'est pas seulement un roman sur une maison ou une famille : c'est une métaphore de la condition humaine , une méditation sur le temps, la mémoire et la fragilité de l'existence.
Laurent Mauvignier y confirme son rôle de témoin de l'humain
et d'architecte d'une prose qui réconcilie l'éthique, l'esthétique et l'humanisme .
L'œuvre s'impose comme un jalon incontournable dans la littérature française contemporaine et comme un exemple d'écriture qui, en rendant visible l'invisible, renouvelle notre rapport à la vie et à la mémoire.
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| La Maison vide, roman récompensé par le Prix Goncourt 2025, symbole de la prose humaniste de Laurent Mauvignier. |
Références bibliographiques
- Mauvignier, Laurent. La Maison vide . Paris : Éditions de Minuit, 2025. Fiche éditeur
- Puech, Jean‑Benoît. Les voix du murmure : l'écriture du silence chez Mauvignier . Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 2012.
- Viart, Dominique. Le Réalisme éthique : la littérature française au tournant du XXIᵉ siècle . Paris : Armand Colin, 2010 .
- Jeannelle, Jean‑Louis. « Les temps de Mauvignier. » Critique , n° 903, avril 2022.
- Ricœur, Paul. Temps et récit . Paris : Seuil, 1983.
- Bakhtine, Mikhaïl. Esthétique et théorie du roman . Paris : Gallimard, 1978.
- Caruth , Cathy. Expériences non revendiquées : traumatisme, récit et histoire . Baltimore : Johns Hopkins University Press, 1996.
- Arendt, Hannah. La Condition de l'homme moderne . Paris : Calmann‑Lévy, 1961.
- Blanchot, Maurice. L'Espace littéraire . Paris : Gallimard, 1955.
- Barthes, Roland. Le degré zéro de l'écriture . Paris : Seuil, 1953.
- Nora, Pierre (réal.). Les Lieux de mémoire . Paris : Gallimard, 1984.
- Abraham, Nicolas et Torok, Maria. L'écorce et le noyau . Paris : Flammarion, 1978.
- LaCapra , Dominick. Histoire et mémoire après Auschwitz . Ithaque : Cornell University Press, 1998.
- Bachelard, Gaston. La Poétique de l'espace . Paris : Presses Universitaires de France, 1957.
- Pérec, Georges. Espèces d'espaces . Paris : Galilée, 1974.
- Bonnefoy, Yves. L'arrière‑pays . Paris : Gallimard, 1972.
- Gland, Alain. Le tremblement du style : essai sur l'écriture contemporaine . Paris : PUF, 2015.
- Meschonnic, Henri. Critique du rythme : anthropologie historique du langage . Lagrasse : Verdier, 1982. Fiche éditeur
- Lukács, Georg. Théorie du roman . Paris : Gallimard, 1968.
- Starobinski, Jean. La relation critique . Paris : Gallimard, 1970.
- Lévinas, Emmanuel. Totalité et infini . La Haye : Nijhoff, 1961.
- Weil, Simone. La pesanteur et la grâce . Paris : Plon, 1947.
- France 24 , « Le Prix Goncourt 2025 attribué à Laurent Mauvignier pour La Maison vide », 4 nov. 2025. Article
- Libération , « Le Goncourt 2025 a été attribué à Laurent Mauvignier pour « La Maison vide » », 4 nov. 2025.
- Benzine Magazine , « « La Maison vide » de Laurent Mauvignier : une sublime fresque familiale », 4 nov. 2025.
- Le Monde , « Laurent Mauvignier a remporté le Prix littéraire Le Monde 2025 pour La Maison vide », 3 sept. 2025.




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