Jacques Stephen Alexis: Portrait d'un écrivain entre littérature et militantisme.

 

Jacques Stephen Alexis

Jacques Stephen Alexis, né le 22 avril 1922 aux Gonaïves et disparu en avril 1961, est une figure emblématique de la littérature et de la politique haïtienne. Fils du diplomate et écrivain Stéphen Alexis, Jacques a grandi dans un environnement où les discussions littéraires et politiques étaient monnaie courante. Dès l'âge de 18 ans, il se distingue par un essai remarqué sur le poète haïtien Hamilton Garoute, marquant ainsi son entrée dans le monde littéraire.

Médecin de formation, Alexis n'a pas tardé à s'engager dans une carrière littéraire prolifique, collaborant avec de nombreuses revues et fondant La Ruche, un groupe dédié à l'éveil littéraire et social en Haïti au début des années 1940. Son œuvre la plus connue, "Compère Général Soleil" (1955), est un roman qui a été traduit en anglais sous le titre "General Sun, My Brother". Il a également écrit "Les Arbres musiciens" (1957), "L'Espace d'un cillement" (1959), et "Romancero aux étoiles" (1960).

Au cours de son enfance, qui se déroula dans le cadre familial de Pont l'Ester, Jacques Stephen Alexis put entendre battre les tambours du cérémonial vaudou, écouter la musique et les récits transmis dans les campagnes par les simidors et les composes. C'est sans doute à cette époque qu'il acquiert cet amour viscéral de son pays qui ne le quittera jamais et qui englobait aussi bien la terre natale que la communauté humaine avec toutes ses contradictions. Il grandit ainsi à l'ombre de la politique, du bouillonnement culturel que suscita la résistance à l'occupation et dans l'entourage de la presse. En 1940, à l'âge de dix-huit ans, il écrivait un essai sur un poète surréaliste, Hamilton Garoute né en 1920 à Jérémie, auteur d'un unique recueil, Jets lucides (1945). Élève à l'institution Saint-Louis de Gonzague, il étudie la médecine à Port-au-Prince et à Paris. Le décès de Jacques Roumain en 1944 et la publication posthume de son roman Gouverneurs de la rosée l'émeuvent au plus haut point.

Collaborateur des Cahiers d'Haïti et de plusieurs journaux, créateur de la revue Le Caducée, il s'associe aux discussions culturelles qui agitent les groupes littéraires Comoedia et La Ruche. Il joue un rôle d'organisateur dans un mouvement politique de jeunes qui, associé à la grève générale, finit par emporter le gouvernement d'Élie Lescot en 1946. La prise du pouvoir par une junte militaire l'oblige à prendre la route de l'exil et il poursuit des études médicales en France. Il rédige alors son premier roman, Compère général Soleil, publié à Paris en 1955, qui le place d'emblée parmi les grands écrivains de la région des Caraïbes. Il participe en 1956 au premier Congrès mondial des écrivains et artistes noirs réunis à la Sorbonne et présente à cette occasion une communication intitulée « Du réalisme merveilleux des Haïtiens ». La publication, en 1957, de son deuxième roman, Les Arbres musiciens, le consacre définitivement. Son dernier roman, L'Espace d'un cillement, publié en 1959, apparaît comme le premier volet d'une tétralogie consacrée à l'aventure de la vie du couple qu'il se promettait d'écrire. Il affirmait dans une interview accordée fin décembre 1960 : « Ensuite, il y aura la fuite devant les responsabilités, le refus puis l'acceptation. » Son dernier ouvrage, paru en 1960, est un recueil de contes, Romancero aux étoiles, dans lequel il s'amuse à évoquer les deux personnages de la tradition orale Bouqui et Malice, la fameuse reine Anacaona et des récits qui plongent dans l'univers merveilleux des Caraïbes. Il rédigea en 1959 le manifeste programme de la Seconde Indépendance et fut cofondateur du Parti d'entente populaire, un parti communiste haïtien. Ayant débarqué clandestinement

Au-delà de son travail d'écrivain, Jacques Stephen Alexis était un militant actif, participant aux débats sociaux et politiques de son époque. En 1959, il forme le Parti pour l'Entente Nationale (PEP), un parti politique de gauche, mais est contraint à l'exil par la dictature de Duvalier. En 1961, lors de son retour en Haïti, il est arrêté et disparaît dans des circonstances mystérieuses, laissant derrière lui un héritage de résistance et d'engagement.

La vie et l'œuvre de Jacques Stephen Alexis continuent d'inspirer les générations actuelles, témoignant de la richesse de la culture haïtienne et de son histoire complexe. Son engagement pour un réalisme merveilleux, propre à la littérature caribéenne, et sa lutte contre la dictature de François Duvalier restent des éléments marquants de son héritage. Jacques Stephen Alexis demeure une source d'inspiration pour les écrivains et les militants, symbolisant la quête de liberté et l'expression artistique authentique.

Alexis était un écrivain qui a su s'inscrire dans ses romans au-delà du narrateur omniscient, contribuant ainsi à sa propre légende. Il est intéressant de noter que, contrairement à leurs homologues féminines, les écrivains haïtiens de l'époque d'Alexis évitaient généralement toute référence autobiographique dans leurs fictions. Cependant, une lecture attentive de son œuvre révèle des éléments autobiographiques subtils, tels que ceux éparpillés dans ses œuvres comme les cailloux du Petit Poucet.

Son parcours dans la théorie littéraire est également notable. Alexis a proposé le concept de « réalisme merveilleux des Haïtiens » en 1956, et a identifié la lodyans haïtienne comme la tradition narrative authentiquement haïtienne en 1959. Cette dernière est considérée comme le fond commun de narrativité partagé par tous les Haïtiens, au même titre que le créole ou le vodou.

La Bibliothèque nationale de France offre un accès aux œuvres de fiction et textes théoriques publiés du vivant d'Alexis, ainsi qu'une sélection étendue d'études critiques, monographies, articles et chapitres de livres sur son travail. Ces ressources constituent une base solide pour quiconque souhaite approfondir la connaissance de l'œuvre et de la vie de cet auteur influent.

De ce fait, Jacques Stephen Alexis demeure une figure incontournable de la littérature haïtienne et mondiale. Son œuvre continue d'inspirer et de susciter des discussions sur la littérature, la politique et l'identité. Sa vie, son œuvre et sa disparition tragique continuent de fasciner et d'inviter à la réflexion, témoignant de l'impact durable de son héritage littéraire et politique.

Les contributions littéraires de Jacques Stephen Alexis sont un trésor national pour Haïti et un patrimoine précieux pour la littérature mondiale. Ses œuvres sont caractérisées par une fusion de réalisme et de merveilleux, reflétant la complexité et la richesse de la culture haïtienne. Parmi ses romans les plus influents, on trouve:                                                    

1. Compère Général Soleil (1955): Ce roman est souvent considéré comme son chef-d'œuvre. Il dépeint la vie d'un jeune homme dans les années 1930 en Haïti et aborde des thèmes tels que l'injustice sociale et la lutte pour la liberté.

2. Les Arbres Musiciens (1957): Dans ce roman, Alexis explore la vie rurale en Haïti, mettant en lumière les traditions et les croyances du peuple haïtien.

3. L'Espace d'un Cillement (1959: Ce roman suit l'histoire d'amour entre un marin cubain et une jeune fille haïtienne, offrant une perspective sur les relations interculturelles et les défis sociaux.

4. Romancero aux Étoiles (1960): Publié peu avant sa disparition, ce roman est une épopée qui célèbre la résistance et l'esprit humain face à l'oppression.

5. L'Étoile Absinthe (2017): Posthume, ce recueil comprend le roman inachevé "L'Étoile Absinthe" et la nouvelle "Le Léopard", qui offrent un aperçu de la direction que prenait son écriture avant sa mort tragique. 

Ces œuvres, parmi d'autres, illustrent non seulement le talent littéraire d'Alexis mais aussi son engagement profond envers les questions sociales et politiques de son temps. Elles continuent d'inspirer et de provoquer la réflexion, témoignant de l'importance indéniable de son héritage littéraire.

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